Interview Jean-Baptiste Perraudin

C’est en 2009 que je fais la connaissance de Jean-Baptiste Perraudin. Mon envie d’apprendre de nouvelles techniques de jeu me pousse à regarder ce qu’il se fait outre-atlantique. Toute une nouvelle génération de batteur qui a développée des nouveaux concepts incompréhensibles pour moi à l’époque. Je me renseigne auprès de mes connaissances pour savoir qui en France pourrai m’éclairer la dessus, plusieurs fois le nom de JB revient. On le dit pédagogue et passionné, tout ce qu’il me fallait !! Il est toujours difficile quand on enseigne depuis plus de 10 ans en conservatoire et qu’on fait plus d’une centaine de concerts par an, de se remettre à la place de l’élève, de se sentir mal à l’aise avec des nouvelles façons de penser la musique. JB a su me faire avancer dans ma quête. Me redonner envie d’apprendre et de faire évoluer mon jeu.
Il y a 2 ans, je l’ai invité à venir faire le jury pour mes classes de batterie puis un master-class sur l’improvisation à la batterie. Les élèves sont repartis avec des étoiles plein les yeux… et leur professeur aussi !!
C’est donc tout naturellement que je vous présente Jean-Baptiste Perraudin.

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FICHE SIGNALÉTIQUE

NOM : PERRAUDIN
PRENOM : Jean-Baptiste
Lieu de naissance : Dijon (21)
Date de naissance : 16 septembre 1974
Lieu d’habitation actuel : Paris

Réseaux sociaux :

Facebook : www.facebook.com/jperraudin
Youtube : www.youtube.com/channel/UCH43PYXcWegfN1wWVqtss2Q

Matériel

Jean-Baptiste est endorsé par Mapex (batterie), Meinl (cymbales) et Pro Orca (baguettes).

Batterie :
Mapex Meridian Maple

Cymbales :
Meinl Byzance et Sound Caster Fusion

Les artistes que j’ai accompagné

Sur scène :
Albert, Union Square Group, Oniromancy, Seth, Olivier Calmel, Nico Morelli, Rouge Debout…
En studio :
Albert, Union Square Group

Les artistes que j’accompagne sur scène en ce moment

Spirit of Rhythm (jazz swing)
Triade Pascal Frémaux (trio jazz)

Mes vidéos

Drum battle made in France avec Yoann Schmidt et Damien Schmitt.

Exercice en triples croches

Hommage à Buddy Rich

L’improvisation à la batterie vol 1 et 2.

INTERVIEW

WMS : Comment as tu débuté la musique ?
J-B P : J’ai commencé la musique par le violon alors qu’initialement c’est la contrebasse qui m’attirait, cela à cause d’un disque d’éveil musical que j’avais entendu lors de la dernière année de maternelle. Mais quand ma mère a appelé le conservatoire de Dijon, on lui a dit que j’étais trop petit pour commencer par la contrebasse mais que je pouvais faire du violon en attendant d’avoir douze ou treize ans. C’est ce que j’ai fait dans un premier temps. J’ai commencé le solfège à six ans et le violon l’année suivante.
Mais de me voir faire de la musique, mes parents se sont dit que ça serait sympa pour eux aussi d’en faire comme activité de loisir (ils étaient profs tous les deux!). ma mère s’est inscrite en violoncelle et mon père qui aimait le jazz, s’est mis à la batterie. J’aimais bien taper dessus mais au début je gardais en tête mon idée de faire de la contrebasse. Puis un jour, mon père voyant que j’aimais quand même bien la batterie, m’a dit « je vais te faire entendre un solo de Max Roach, tu vas m’en dire des nouvelles! »… il a sorti « conversation » un solo qui figure dans « Deeds, not Words », enregistré en 1958. J’ai été foudroyé!! A l’époque je l’ai pas exprimé directement mais je me suis dit que c’était ça que je voulais faire: jouer de la batterie! J’ai quand même continué le violon jusqu’à 14 ans, en parallèle, j’ai commencé la batterie en autodidacte vers 8 ans.
Je m’étais confectionné une petite « pocket drums » avec des cartons, un tambourin, une cloche et je jouais par dessus les disques. Dès que j’avais un moment je jouais avec les albums de Max Roach, de Miles Davis, du Modern Jazz Quartet. Ça m’a beaucoup développé l’oreille.

Comment as tu appris la batterie ?
Je suis en très grande partie autodidacte. En sixième, j’ai rencontré dans ma classe un certain Thomas Deschamps qui jouait du piano et qui aimait le jazz lui aussi. Au début, on jouait chez lui avec son piano Clavinova et moi avec des boîtes de gâteaux en métal!! Ensuite à partir de la seconde, on a pu disposer de sa cave et mettre des vrais instruments dedans! lol.
On jouait tous les week-ends, et ça a été comme ça jusqu’à ce que je parte de Dijon à 20 ans. On passait aussi des heures à écouter de la musique. Entre 1989 et 1994, on a été témoin de, sans doute, la dernière période « fast » de production de disques et CDs.
En 93-94, le conservatoire a ouvert un département jazz, j’y ai pris des cours de batterie et d’atelier d’orchestres. Ensuite en 95, j’ai fait mon service militaire comme tambour dans un régiment d’artillerie de Montbéliard. Il a fait un froid diabolique cette année là. On jouait tous les vendredis pour les exercices de défilé et ce n’était pas rare qu’on voit des bataillons se rétamer par terre à cause du verglas dans la cour!
Ensuite de 95 à 98, je me suis inscrit à l’école de jazz Arpej à Paris. Vers 2001 j’ai pris un cours particulier avec Franck Agulhon, je m’en souviens très bien… et lui aussi!
En 2002, j’ai commencé à travailler pour Batteur Magazine, je mets cette expérience aussi dans mon apprentissage car j’ai pu assister à des centaines de balances, de master-class en étant dans une position privilégiée, à savoir avec mon appareil photo, sur scène, près des plus grands. Quand tu vois à un mètre de toi Mike Terrana, Marco Minnemann, Billy Cobham, Dennis Chambers, Virgil Donati ou Dave Weckl, crois moi, tu apprends!!!

Quelles sont tes influences musicales?
Max Roach a été ma première influence très importante, celui qui a tout déclenché, même si Art Blakey est le premier batteur que j’ai écouté et qui m’a sensibilisé à l’instrument. Max Roach était mon Dieu quand j’étais gamin! Tout mon argent de poche y passait, j’allais jusqu’à faire des trajets à pied plutôt qu’acheter des cartes de bus pour garder cet argent pour acheter des disques. Mon père avait pas mal d’albums, donc j’ai entendu Elvin Jones, Tony Williams également très jeune.
En 1988, il y a eu un spécial « batteurs » dans un magazine qui n’existe plus « Musicien ». Je l’ai acheté et j’ai entendu parler pour la première fois de Tommy Aldridge, Vinnie Colaiuta, Steve Smith, Stewart Copeland etc… j’ai pris conscience que j’étais en train de m’enfermer dans le jeu de Max Roach et qu’il y avait plein d’autres choses à découvrir. La radio a palié à cette lacune. Mais toujours en restant dans le jazz dans un premier temps.

Cette même année, j’ai entendu un solo de Buddy Rich qui m’a atomisé! Cela m’a d’autant plus marqué que je comprenais ce qu’il jouait mais que je me rendais compte aussi que faire des trucs pareils à cette vitesse et avec l’endurance et la puissance, c’était du délire!! J’ai commencé à chercher des albums de Buddy Rich. En juin 1989 j’ai fait ma première fête de la musique; un mois après avec mon pote Thomas, on s’est retrouvé au festival de jazz d’Antibes avec une soirée spéciale trio: Michel Camilo, Ahmad Jamal et Chick Corea. Jamal n’est pas venu pour des raisons de santé. Corea a attaqué avec l’Akoustic Band. Le hasard veut qu’en février-mars 1989, j’avais découvert par hasard la revue Batteur Magazine (avec Steve Gadd en couverture) et François Daniel qui s’occupait des relevés, avait fait un chapitre de transcriptions de plans de Dave Weckl. Donc j’étais curieux de voir en action le gars dont j’avais vu la transcription (à laquelle je comprenais rien! lol) dans Batteur mag quelques mois avant. Et BING! Nouvelle claque! je me suis dit « c’est qui ce malade?! »
Avec Thomas, on a épluché les magasins de disques de Dijon et on a acheté tout ce qu’on trouvait avec les formations de Corea où il y avait Weckl, tous les albums de Camilo, et tous les disques des musiciens qui jouaient dans l’Elektric Band, à savoir Eric Marienthal et John Patitucci entre autres. C’est comme ça que j’ai découvert Vinnie Colaiuta!

Vers 1990, on voyait aussi des pubs pour Pearl avec Dennis Chambers et à la même époque, il y avait aussi des compte-rendus de concerts dans Jazz Magazine. C’est comme ça que j’ai lu un jour que Chambers (qui était passé à Paris avec le quartet de Bob Berg et Mike Stern) était un batteur apparemment monstrueux. Restait plus qu’à trouver un album où il jouait. Ce qui s’est passé en 1991. Un jour à la Fnac, je vois un live de Bill Evans au Blue Note Tokyo… 163 francs à l’époque! la vache! ça coutait une blinde! Je planque le disque dans les rayons et j’économise sur mes cartes de bus! ça pendant un mois! J’allais à la fnac, je changeais le disque de cachette et je repartais. Finalement en mars 1991, j’ai enfin l’argent! Je file chez mon pote Thomas, on met le disque…. Au bout de huit mesures un break avec double pédale, son énorme, je tombe par terre, je me dis « ok, ça, ca va me plaire »! Et me voilà à chercher tous les albums avec Chambers, donc les Scofield, puis les Brecker Brothers, puis le trio Free Spirits avec John Mc Laughlin etc…
Le choc avec Colaiuta, je l’ai vraiment eu juste avant de partir à l’armée. Je vais chez un batteur qui n’habite plus Dijon, mais Annecy, Jean-Pierre Frélézeau, il avait les vidéos du Buddy Rich Memorial! Quand j’ai vu Vinnie et le trio avec Weckl et Gadd, là j’ai repris un grosse claque! Ensuite une fois à Paris, un tromboniste fan de Zappa, m’a dit quoi acheter avec Vinnie.. « Tinseltown Rebellion » et « Shut’up and play yer guitar » entre autres.

la dernière grosse influence ça a été Virgil Donati. En aout 97 ou 98, un pote batteur revient d’Ecosse et me dit: « j’ai entendu parler d’un fou furieux, c’est un mélange de Colaiuta et Dom Famularo, il s’appelle Virgil Donati »… le lendemain je vais chez Oscar Music, et je trouve un vidéo du Modern Drummer Festival 97. Elle est passée en boucle pendant 3 mois! c’était l’hallu!!

Quels sont les 3 morceaux qu’un batteur devrait connaitre par coeur ?
Ça c’est la question piège parce que quand on pose cette question, on a en tête surtout des morceaux rock incontournables et moi j’ai pas une grosse culture rock! Disons que connaître des morceaux ça sert quand tu vas en jam-session. Alors faut juste voir dans quelle jam tu veux aller: si c’est pour du jazz, à toi de te faire une culture jazz, si c’est fusion, idem, si c’est rock, pareil etc…
Après tu t’aperçois qu’il y a pas mal de projets basés sur la composition, donc connaître du répertoire ça te sert à avoir des repères quand le mec te dit « j’aimerais bien que tu me fasses une beat dans l’esprit de… »

On trouve beaucoup d’outils pédagogiques, quels sont les incontournables ?
Le « Stick Control » de George L. Stone en matière de méthode.
le « Drumbook » à sortir de Franck Agulhon, à mon avis ça va être une tuerie sinon « Secret Weapons for the Modern Drummer » de Jojo Mayer en DVD.

Comment développer son propre jeu ?
Un jour j’ai posé en interview à Dave Weckl, une question un peu similaire qui était « comment développe-t-on son style? » Et il m’a dit, avec tout le pragmatisme des Américains « Avant de penser à développer son style, il faut apprendre la musique »! Bang!! Et il a raison.
Je vois des jeunes batteurs qui connaissent un groupe et rien d’autres et pensent développer leur style! Impossible! Le style, c’est le mix de pleins d’influences diverses et aussi la manière dont tu joues le plan que tu as repiqué chez untel. Et des fois, parce que tu l’as mal repiqué, ça sonne d’une autre manière et ça devient ton plan!!!

Ceci dit, je me souviens avoir réfléchi à cette question dès l’âge de 18-19 ans. A l’époque quand j’écoutais les batteurs fusion, je voyais deux écoles: ceux qui développaient le phrasé à partir du roulé comme Steve Gadd et Dave Weckl (avec de la coordination) et ceux qui développaient leur jeu à partir du frisé comme Billy Cobham et Dennis Chambers. Quand j’écoutais ensuite Gary Novak, il me semblait qu’il était un des premiers à mixer les deux concepts et que c’était la direction dans laquelle il fallait aller… Ce qui s’est avéré vrai au final car les gospel chops drummer ont pris à Chambers, à Weckl et à Colaiuta.

En m’orientant vers le jazz, j’ai un peu lâché la coordination à une époque. Le style fait que tu ne vas pas balancer des plans de grosse caisse dans tous les sens quand tu joues en trio ou avec une chanteuse. Je suis revenu à travailler la coordination que vers 2008!! Toute la période où j’ai bossé intensément pour Batteur Magazine (de 2002 à 2008) j’ai régressé techniquement. Quand on a fait ce trio en 2006 avec Yoann Schmidt et Damien Schmitt, je peux te dire qu’il a fallu que je m’accroche!!! Mon vocabulaire en coordination s’est bien développé depuis!

Comment te prépares tu pour jouer sur scène ?
Les échauffements c’est primordial : un pad, du free stroke, du roulé et aussi des étirements, ça aide, mais tout ça en veillant à la respiration. D’ailleurs la respiration, j’y apporte une attention du soir au matin. Je ne suis pas souple du tout à la base; étant autodidacte, j’ai pris beaucoup de défauts de positions, j’ai joué tendu pendant des années, le chemin est long pour s’assouplir, mais si tu bosses pas sur la respiration (par exemple quand tu t’étires) tu perds 60% du résultat.
Quand je parle de ça à mes élèves où dans les stages je dis « faites l’expérience suivante : vous portez des sacs de courses, regardez comment vous respirez, je suis sûr que la plupart d’entres vous, parce qu’ils sont dans l’effort, les portent en apnée! »… et c’est pareil quand on lutte avec un exercice à la batterie: la plupart retienne leur souffle! et c’est pas bon du tout parce qu’à ce moment le muscle n’est plus oxygéné et donc il se contracte beaucoup plus. Tu multiplies ça par dix ou quinze ans, tu te retrouves aussi souple qu’un péage d’autoroute!

Comment te prépares tu pour jouer en studio ?
La dernière fois que j’ai réellement fait du studio c’était en 2007; je dirais que l’important c’est d’avoir la structure du titre que tu enregistres en tête. Le travail au click, c’est pas trois jours avant la séance qu’il faut s’y mettre.. c’est TOUT le TEMPS!!! ou bien bosser sur des séquences, ce qui est un peu plus distrayant.

Quel conseil donnerais-tu aux débutants ?
Chercher un bon prof et écouter plein de musiques. Quand je faisais du violon, au dos de la porte de la classe, il y avait une caricature de mon prof qui s’appelait Henri Rosès. La personne l’avait dessiné avec son violon et avait exagéré à donf la taille de ses oreilles, et justement, il y avait marqué sur le dessin « La Musique se joue avec les Oreilles »… j’ai jamais oublié ça!!
Je vois plein de gens qui REGARDENT la musique mais qui NE l’ENTENDENT PAS!!! c’est grave!! moi quand j’avais une vidéo, je m’arrangeais pour isoler sur une K7 la bande son. J’ai donc plus passer de temps à ÉCOUTER la vidéo de Dennis Chambers « Serious Moves » qu’à la regarder.
Maintenant, j’ai les oreilles comme des sonars: en général dès la première écoute je comprends ce que fait un batteur, ça ne veut pas dire que je suis capable de le faire mais je COMPRENDS! Quand j’écoute Virgil Donati, je comprends, ses indépendances, ses groupes de notes etc.. mais le faire c’est le choix d’aller dans une direction bien particulière.
Bien sûr il y a des phrases, tu peux les écouter 2000 fois, tu ne les comprends pas. Un exemple: dans « nothing personal » de l’album live de Karizma enregistré en 2000 avec Colaiuta, y’a un plan de double au début du solo de batterie, laisse tomber… j’ai bien une idée ce qui se passe, mais dans le détail…

Combien de temps doit on travailler pour arriver à un bon niveau et à quelle fréquence ?
Buddy Rich a répondu à cette question dans une interview à Down Beat en 1974… Il a dit quelque chose du genre: « le temps importe peu, ce qui importe c’est d’arriver à exprimer ce que vous avez en tête et de le jouer sur l’instrument: si ça vous prend 5 minutes et qu’après vous pouvez aller manger un plat de spaghettis, tant mieux pour vous.. si ça doit vous prendre vingt ans, et bien ça vous prendra vingt ans ».
Moi j’ai besoin de travailler beaucoup parce qu’en commençant en autodidacte j’ai pris plein de défaut et j’ai joué pendant des années en tension. Mon travail, si on devait le résumer, vise à repousser ce que j’appelle « l’état de confort ». Exemple: aujourd’hui tu fais des doubles croches en frisé à 140 à la noire mais à 148 tu sens que tu forces. Et bien bosses pour repousser l’état de confort et fais en sorte de ne plus avoir de tension à 148.

Quel exercice est il important de travailler ?
Si tu veux être batteur y’a deux paramètres : développer l’oreille (au sens large) et le physique. L’oreille, c’est la compréhension de la musique, c’est la partie mentale. le travail de la lecture, c’est mental; repérer dans un solo de batterie si le batteur joue sur une cinq fûts ou une huit fûts c’est mental. Jouer des double croches à 230 à la noire, c’est physique, réussir une coordination c’est physique… mais c’est aussi mental, parce que tant que tu n’entends pas où interviennent les pieds par rapport aux mains, ça ne passera pas. Donc tu es toujours en train de faire appel aux deux paramètres. Maintenant il y a quand même des exercices qui privilégient plutôt un aspect : la lecture, si tu lis un exercice de caisse dans ta tête, c’est mental; le free stroke, si tu t’appliques à avoir un mouvement parfait, un bon contrôle du rebond, c’est physique.

Une anecdote de ta vie de musicien/journaliste.
On est en septembre 2003 et cela fait déjà environ un an que Dennis Chambers tourne avec Carlos Santana mais aucune interview n’a été faite sur lui depuis dans Batteur Magazine. Mon rédacteur en chef de l’époque, Jean-Baptiste Méchernanne, essaye par tous les moyens de dégoter une, mais sans succès. Moi en fan de Chambers, je décide d’aller de toute façon voir le concert qui se déroule à Bercy et j’ai déjà depuis 3 mois acheté ma place. Arrive le jour J. J’ai demandé à mon rédac-chef de faire une énième tentative auprès de la prod de Santana. A priori c’est un fiasco. Il est 17h30 et je suis en train de bouquiner à la laverie avec du linge qui tourne en machine. 18h, mon rédac-chef m’appelle: « Tu veux un scoop? t’as rendez-vous dans un quart d’heure à Bercy pour interviewer Chambers! »??!!!!!!! Au diable le linge, y’aura plus qu’à le récupérer demain. Je repasse chez moi, prends une feuille un stylo, mon minidisc (c’est avec ça que j’enregistrais mes interviews à l’époque) et je file à Bercy, porte G je crois. J’allais rencontrer Dennis Chambers, une de mes idoles absolues, je savais qu’il détestait les interviews et j’avais le trouillomètre prêt à exploser! lol. Je passe un premier cordon de sécurité… puis un second! Au final on m’ouvre une salle immense dans les sous-sols de Bercy avec une seule ampoule au plafond… ambiance salle de torture au Vietnam! lol… et voilà mon Dennis qui arrive avec un cigare, alors que c’est interdit de fumer dans les locaux de Bercy. On entame l’interview, c’est glacial!! et ça restera sur ce même ton pendant vingt minutes interminables! Je vois bien qu’il n’a qu’une envie, c’est fumer son cigare peinard avant le show. La deuxième rencontre avec Chambers (et Cobham, à Lille pour un blind-test) ne sera guère plus conviviale!

On est en juin 2006. Marco Minnemann est à Paris car à l’époque sa compagne est française. On cale une interview à deux pas de chez moi, à la Bastille. Lui n’a pas de portable, donc sa compagne me laisse son numéro en disant « vous m’appelez quand l’interview est finie, pendant ce temps là je pars faire les boutiques ». On fait l’interview, Marco Minnemann est tout l’inverse de Chambers, affable, causant, amical, un mec top et un batteur monstrueux. Comme on a du temps et qu’il sait que je joue de la batterie il me demande de lui faire écouter des trucs où je joue… soit! On se retrouve chez moi à écouter de la musique et au bout d’un moment comme tout bon batteur qui se respecte, je sors les pads! Et nous voilà à faire des 4/4 sur les pads. Au bout d’un moment on s’aperçoit que l’heure tourne et j’appelle sa compagne pour lui dire que l’interview est finie. Chacun repart de son côté.
Fin juin arrive, la Coupe du Monde de Foot bat son plein et c’est aussi bientôt le démarrage du stage Percupassions qui se déroule en banlieue lyonnaise, organisé par feu Philippe Matthias. Il m’appelle un jour en catastrophe 10 jours avant le début du stage en me disant: « JB, j’ai un gros problème, Thomas Lang qui devait venir faire la démo d’ouverture du stage a déclaré forfait, il s’est blessé au pouce; t’aurais une solution de dépannage?’… ni une ni deux, je retrouve dans mon téléphone le numéro de la compagne de Minnemann. « je sais pas si toi et Marco êtes toujours en France début juillet mais si oui j’ai une date à lui proposer… »… ça tombe bien, au moment où je l’appelle, il est toujours avec elle…. et il est dispo à la fameuse date!!! Voilà comment Marco Minnemann s’est retrouvé programmé en démo d’ouverture du stage Percupassion 2006… il n’a pas eu un grand succès le pauvre, il avait affaire à une concurrence déloyale : ce jour-là c’était la fameuse finale France-Italie du mondial, le jour du coup de tête de Zidane à Materrazi!!

Tu voues un véritable culte à Buddy Rich, qu’est ce que t’inspire ce batteur?
« Culte » c’est un peu fort! lol… c’est sans doute mon drummer préféré il est vrai! La musique de Buddy Rich, ça bouillonne, c’est une vraie cocotte minute prête à exploser.
Il y a cette drum battle de 1960 au Birdland… En avril cette année-là, le club programme en même temps Art Blakey et Buddy Rich. Du coup les deux lascars se font des drum battles. Parfois c’est Rich qui est l’invité du groupe de Blakey et des fois c’est l’inverse. Y’a une battle sur « Jumpin at the Woodside »… ça commence par tous les solos de sax, trombone et vibraphone avant les 4/4… tu verrais comme c’est bouillant!! l’accompagnement de Rich, c’est la catapulte mon ami!! Le swing et l’énergie c’est ça que j’aime chez lui.
En 1962, le magazine Down Beat fait le compte-rendu du festival de jazz de Las Vegas avec comme concert de clôture une battle entre Louis Bellson et Buddy Rich. Par bonheur j’ai pu me procurer cet enregistrement, un pirate qui ne court pas les rues. Rich fait le solo le plus dingue de tout ce que je connais de lui… un vrai déluge! Un jour j’ai débarqué chez François Laudet avec cet enregistrement, il m’a dit avec son humour habituel « ce que j’aime chez Bellson, c’est la classe avec laquelle il se présente sur scène pour aller affronter la Mort » !! lol. Au final cette passion pour Rich m’a amené à faire plein de rencontres, à partager plein de choses, à commencer par tous ces enregistrements qu’on s’échange avec mon pote Robby Ménière et aussi toutes ces conférences que je fait depuis 2010. J’arrive avec les albums, les magazines d’époques, les vidéos… les gens souvent sont tellement pris par ce qu’ils voient qu’ils applaudissent les vidéos!! ça me fait halluciner qu’un mec qui est mort en 1987 continue de provoquer ce type de réaction, cela même à travers une vidéo!

Qu’est ce que ce batteur a apporté à ton jeu ?
Buddy Rich me pousse à aller au bout de ce que je peux accomplir sur une batterie, à ne pas lâcher le morceau tant que j’arriverais pas à exprimer à 100% les idées que j’ai en tête!

Ce batteur a été parfois critiqué par une musicalité enfoui sous de la technique. Comme à notre époque avec des batteurs comme Dave Weckl ou Dennis Chambers. Que penses tu de cela?
Les personnes (mais ce n’est que mon avis) qui ne voient en Rich que la technique, ne voit pas l’essentiel, le swing et cette science innée du drumming en big band!
Il y a un album d’Harry James où sur une face c’est un batteur lambda qui a assuré la transition entre deux périodes où Rich jouait dans ce big band et une face où c’est le retour de Buddy chez James en 1962! C’est pas le même orchestre!!! Rich transcende le big band!!! Quand Rich a remonté SON propre big band, il partageait la scène avec les autres big band phare du jazz. En 1971, il y a une journée big band au festival de Newport: Rich joue sur la même scène que Stan Kenton et Duke Ellington. Point.

Parle nous de ton actualité.
Avec Mapex, on prépare une série de quatre vidéos qui sont des bancs d’essai filmés du matériel disponible en ce moment. En cela, rien de particulier SAUF que : pour la première fois on sort le grand jeu! On prend un kit et on lui applique 2 ou trois jeux de peaux différents! Je te garantis qu’on se rend vraiment compte du changement de son et de la polyvalence de ces batteries, et ça c’est quelque chose que je n’ai jamais pu faire quand je testais des drums pour Batteur Magazine.
Je joue sinon avec Triade le trio jazz de Pascal Frémaux. Le 21 mars, je serais à Rennes où John Petitjean et moi allons animer deux conférences: lui sur Ian Paice et moi sur les « Trois Mousquetaires de la Fusion: Vinnie Colaiuta, Dave Weckl et Dennis Chambers »… avec John on prépare également le deuxième stage de batterie de Belle-Ile avec entre autres Franck Agulhon, Dawoud Bounabi et Dom Famularo en spécial guest!!! Ca va barder!
Sinon là je reviens de chez mon pote Sylvain Paret, un batteur fantastique avec qui on vient de faire quelques vidéos qu’on diffusera bientôt et avec qui j’ai bien envie qu’on se produise en duo. En octobre je réorganise en partenariat avec J-Pierre Aubinière et les Ondines une journée de la batterie à Laval. On a fait la première édition en octobre dernier avec Julien Goepp et Franck Agulhon c’était mortel! Démo l’aprem et concert en trio de batterie le soir!! Y’a aussi trois autres projets mais trop peu avancés pour qu’on en parle…

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Merci JB d’avoir joué le jeu de l’interview, pour la WEB MUSIC SCHOOL, de façon si précise et passionnée.
J’espère, Web Music Students et lecteurs, que cette interview vous aura plu et vous donnera envie de vous surpasser derrière votre instrument !


Jean-Baptiste Perraudin
Buddy Rich Sticking 1
Débutant
9,99

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